Comme chaque année, l’agenda de la prochaine COP Climat, qui se tiendra à Belém du 10 au 21 novembre, s’annonce chargé. Au menu : renforcement des ambitions des États, financement des pays vulnérables, adaptation. Un mois avant l’ouverture du sommet, aucun accord n’est en vue.
Les COP Climat ne portent pas chance aux gouvernements sud-américains. Organisée en 2019 par le Chili, la 25e conférence des parties s’est finalement tenue à Madrid, en raison de manifestations monstres. Le choix de l’installation de la COP 25 s’était porté sur Santiago après que le gouvernement brésilien, alors présidé par Jaime Bolsonaro, se soit désisté. En sera-t-il de même pour le 30e sommet onusien du climat, qui doit se tenir du 10 au 21 novembre, dans la capitale de l’état brésilien du Para, Belém ? ça n’est pas impossible.
Faute d’infrastructures hôtelières suffisantes (et de prix raisonnables)[1], 70 % des délégations officielles n’avaient pas de logement au début du mois d’août. Nombre de leurs représentants ont réclamé un dépaysement de la conférence dans une métropole plus accueillante. Cette demande s’est heurtée à un refus de l’administration Lula. Les gouvernements des pays les plus modestes envisagent de réduire la taille de leur délégation et la durée de leur présence. Avec ou sans eux, la COP 30 aura bien lieu. Et son agenda est des plus chargé.
Sujets et initiatives
Comme chaque année, il est garni de sujets importants (engagements sur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, financements internationaux en faveur des pays en développement) et de thématiques moins fondamentales (budget du secrétariat de la convention sur le changement climatique, adéquation entre les fonds reçus par les pays vulnérables et leurs besoins).
Sans oublier de nombreuses initiatives gouvernementales (comme les projets brésiliens de taxe internationale sur les patrimoines et de taxe sur les billets d’avion), intergouvernementales (réforme des banques de développement pour faciliter le financement de projets climat dans les pays en développement) ou privées. Engagées parfois depuis des années, ces discussions se déroulent désormais dans un contexte international des plus dégradés
Quel leadership ?
Après être sortie de l’accord de Paris et avoir jeté aux oubliettes les financements pro-climat du gouvernement Biden, l’administration Trump ne participe plus aux négociations climatiques. Elle ne manquera pas de faire pression sur les états qui lui sont redevables pour pousser ses idées ou en bloquer d’autres. La Chine (qui encadre souvent les positions des 133 pays du G77) et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Afrique du Sud, Iran, Égypte, Émirats arabes unis, Indonésie et Éthiopie,) n’entretiennent pas de bons rapports avec l’Union européenne (UE) et les États-Unis. Des tensions attisées par la hausse des tarifs douaniers américains et les interminables guerres en Ukraine et à Gaza.
Leader putatif de la diplomatie mondiale du climat, l’UE n’est guère en meilleure forme. Encalminée par une piètre gouvernance de la Commission, par un parlement défavorable au Pacte vert et par une remontée des revendications anti climat de certains membres, l’Europe n’a pas déposé avant l’échéance de fin septembre sa troisième contribution nationale volontaire (NDC). En cause, l’incapacité de la Commission à faire adopter par les 27 l’objectif d’abattement pour 2040 : -90 % d’émissions de gaz à effet de serre relativement à 1990. Hôte de la COP, le gouvernement brésilien sera tiraillé entre ses la poursuite de discussion sur la fin des hydrocarbures (initiée à la COP de Dubaï) et sa volonté de ne pas miner sa position de huitième producteur mondial de brut.
Sans figurer dans la liste des négociations en cours, les NDC seront l’un des grands chapitres de la COP 30. Ces promesses d’actions climatiques nationales devront porter sur les dix prochaines années. Initialement, les 195 parties à l’accord de Paris devaient déposer leur esquisse de politiques climatiques avant le 10 février. A cette date, seules 15 parties[2] avaient tenu leur engagement, dont les … états-Unis. Au 2 octobre, 62 États, représentant 31 % des émissions anthropiques, avaient joué le jeu.
Quelles priorités ?
Or, l’ONU doit évaluer la tendance de réchauffement qui résulterait de l’application de ces NDC. Son verdict est attendu pour le mois d’octobre. Selon le World Resource Institute (WRI), un think tank américain, la mise en œuvre des précédentes NDC permettrait de réduire de 1,7 % les émissions mondiales annuelles de Ges entre 2022 et 2030. Nous sommes loin des 43 % de baisses d’émission entre 2019 et 2030, préconisées par le GIEC, pour stabiliser le réchauffement à +1,5 °C.
Vieux routier des négociations climatiques, André Aranha Correa do Lago présidera la COP 30. Dans une demi douzaine de lettres adressées aux parties, le diplomate brésilien a fixé ses priorités aux débats à venir : la mobilisation des acteurs non étatiques, la mise en œuvre de l’agenda de l’action (les initiatives publiques et privées), la mise en œuvre des conclusions du grand inventaire de 2023 (le Global Stocktake ou GST).
Le dernier round de négociations préliminaires s’est tenu à Bonn (Allemagne) en juin. Et aucun des grands sujets débattus n’a progressé. A commencer par les suites à donner au Global Stocktake, présenté à la COP 28 de Dubaï. Cette évaluation des projets de NDC et des engagements du secteur privé est une obligation de l’accord de Paris. Elle établit un bilan quinquennal de l’application de l’accord et priorise les actions à mettre en œuvre pour la suite. Le premier GST a envoyé trois mots d’ordre : engager la transition énergétique[3], entraver la déforestation, renforcer les ambitions des NDC. Depuis, de nombreux pays cherchent à élargir ces engagements dans le cadre du « Dialogue des Émirats arabes unis ». à Bonn, les négociateurs ont accouché d’un projet de décision, qui évoque la mobilisation de la finance, et dont de nombreux paragraphes restent entre crochets. Ils pourraient être levés à Belém.
Ce ne sera pas forcément le cas pour le Programme de travail sur la transition juste. Autre fruit de la COP 28, cette initiative vise à définir les trajectoires permettant d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris qui n’oublient ni les plus pauvres ni les populations autochtones. Ce projet n’a pas avancé d’un iota à Bakou ni à Bonn. Il peut, il est vrai, contrevenir au type de transition imaginée par des pouvoirs autoritaires et les producteurs d’énergies fossiles.
9 000 indicateurs pour l’adaptation
Autre gros morceau pour cette 30e COP climat : l’adoption d’un objectif mondial d’adaptation au réchauffement climatique, également prévu par l’accord de Paris. A Dubaï, les diplomates ont fixé des cibles à atteindre d’ici à 2030 dans sept domaines: eau, agriculture et agroalimentaire, santé, préservation des écosystèmes et de la biodiversité, résilience des infrastructure et des villes, élimination de la pauvreté et protection du patrimoine culturel.
A cela s’ajoutent quatre objectifs en matière de gouvernance : évaluation des incidences, de la vulnérabilité et des risques ; planification ; mise en œuvre ; suivi et évaluation des efforts d’adaptation. Lors de leurs premiers échanges, les experts ont listé… 9 000 indicateurs pour assurer le suivi des objectifs. Cette liste doit être plafonnée à une centaine d’items. Au sortir de Bonn, elle avait été ramenée à 450 seulement.
La charismatique ministre de l’environnement, Marina Silva évoquera aussi la lutte contre la déforestation de la forêt tropicale et la création de nouvelles sources de financement. Dans ce cadre, l’ancienne seringueira soutiendra le projet de Tropical Forest Forever Facility (TFFF).
Porté par le gouvernement brésilien depuis 2023, ce mécanisme de financement pour les forêts tropicales est un projet de fonds d’investissements. Ses concepteurs envisagent de lever, à bas coût, sur les marchés financiers 125 milliards de dollars (Md$). Sous la surveillance de la Banque mondiale, les gestionnaires du fonds prêteraient ensuite à des acteurs publics et privés à des taux intérêts élevés. Ce qui générera de 9 à 4 Md$ de fonds de roulement par an. Une partie de cette manne servirait à rembourser la levée de fonds, une autre serait allouée aux 72 Etats dotés de forêts tropicales, afin d’en financer la protection. Cette initiative est soutenue par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Norvège, les principaux pays abritant des forêts tropicales,
La feuille de route Bakou-Belém
Encore plus chaud : le programme de travail sur le relèvement des engagements climatiques des Etats. Lancé à la COP de Glasgow (2021), il ambitionnait l’adoption de nouvelles NDC entre 2023 et 2026. Après trois ans de tractations, les discussions achoppent toujours sur des sujets centraux : faut-il ou non adopter des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Intégrer ou non des objectifs de limitation des énergies fossiles ? L’avenir de ce chantier est des plus incertains.
Enfin, comme à chaque COP, le volet financier restera l’un des plus scrutés par les observateurs, avec deux sujets épineux. Une première discussion porte sur la réorientation des flux d’investissement vers une économie bas carbone. Elle a peu de chance d’avancer. De nombreuses oppositions demeurent entre pays émergents et développés. De plus, les grandes coalitions « net zéro » de banques, d’investisseurs, d’assureurs, scellées à Glasgow, ont toutes volé en éclat. Le contexte actuel n’est pas favorable à leur reconstitution.
L’autre sujet porte sur le nouvel objectif de financement des pays les plus vulnérables par les nations développées. Prenant la suite du fameux engagement pris à Copenhague en 2009 de transférer 100 Md$ par an à partir de 2020 – une promesse non tenue, avec un montant cumulé qui a atteint 289 Md$ en 2022 sur les 300 attendus -, la « feuille de route Bakou-Belém » doit fixer le cadre qui permettra d’injecter 1 300 Md$ d’ici à 2035. Avec l’obligation de verser 300 Md$ par an dès 2035. Les pays pauvres militent pour que cet argent soit payé par les pays du Nord, historiquement responsables du changement climatique. Ces derniers veulent faire également contribuer les gros émetteurs actuels que sont la Chine, l’Inde, la Corée du Sud et les pays du Golfe, ainsi que le secteur privé. Nouveau dialogue de sourds en perspective.
Quel budget pour la CCNUCC ?
Signée en 1992 à Rio, la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) est animée par un secrétariat général, dirigé par l’ancien ministre du climat de la Grenade, Simon Stiell. Cette institution coordonne l’organisation des négociations. Pour les années 2024-2025, son budget prévisionnel était de 74,1 M€. A quoi, il faut ajouter 211 M€ de dotation pour le Fonds d’affectation spéciale pour les activités complémentaires destiné à financer des activités de sensibilisation du public, le renforcement des capacités, les ateliers intersessions et les activités liées au Protocole de Kyoto. Hélas, une partie du budget des deux dernières années, ainsi que la moitié des contributions nationales au Fonds, n’ont pas été versées par les États. D’où une proposition de budget en hausse de 24 % pour les années 2026-2027 pour combler les non perçus. Présenté à Bonn, en juin dernier, cette proposition n’a pas été validée pour le moment. Le sera-t-elle à Belém ?
[1] La capacité hôtelière de Belém s’élève à 53 000 lits. A Bakou l’an passé, la COP 29 a reçu 65 000 participants, soit 15 000 de moins que la COP 28 de Dubaï.
[2] émirats arabes unis, Brésil, états-Unis, Botswana, Uruguay, Suisse, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Andorre, Lesotho, équateur, Sainte-Lucie, Iles Marshall, Singapour et Zimbabwe
[3] Parmi les buts à atteindre : le triplement des capacités en énergies renouvelables, le doublement des progrès annuels en efficacité énergétique d’ici à 2030, l’abandon progressif des combustibles fossiles et de leurs soutiens publics.