Mauvaise nouvelle : les émissions mondiales de CO2 ont augmenté entre 2022 et 2023, indique la dernière étude du Global Carbon Project (GCP). Bonne nouvelle : cela pourrait être la dernière fois.
Ne boudons pas notre plaisir. Il n’est pas si fréquent que des scientifiques du climat portent la bonne nouvelle. Ce mardi 5 décembre, les contributeurs au Global Carbon Project (GCP) ont montré que les rejets de gaz carbonique pourraient prochainement atteindre leur pic. Les émissions ne progressent plus que très faiblement depuis quelques années. Ce qui tend à montrer que des mesures structurelles commencent à porter leurs fruits.
Entre 2022 et 2023, les émissions mondiales liées à la combustion de pétrole, de gaz et de charbon devraient augmenter de 1,1 %, pour atteindre 36,8 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (GtCO2). Voyons comment cela se traduit par sources d’énergie.
Evolution des émissions de CO2 énergétique
Source d’énergie | Emissions mondiales | Evolution 2022-2023 | Observations |
charbon | 41 % | +1,1 % | relance du charbon en Inde et en Chine |
pétrole | 32 % | +1,5 % | relance de l’activité en Inde et en Chine |
gaz | 21 % | +0,5% | accroissement de la consommation en Inde, en Chine, aux USA |
ciment | 4 % | +0,8 % | hausse de la consommation en Inde et dans le reste du monde |
Ces tendances pourraient évoluer dans le bon sens. Dans son rapport annuel, publié le 4 décembre, Rystad Energy estime que la consommation mondiale de charbon a atteint son pic en 2023. Conséquence du développement massif des énergies solaires et éolienne, les centrales au charbon devraient réduire leur production dès l’année prochaine.
Selon la société norvégienne spécialisée dans les données sur l’énergie, l’offre mondiale d’électricité d’origine renouvelable devrait bondir de 845 TWh : un chiffre très supérieur à la croissance annoncée de la demande. Le coût de production de l’électricité verte étant très inférieur à celui de l’électricité charbonnée, les compagnies d’électricité devraient rapidement modifier la composition de leur bouquet énergétique.
Evolution des émissions par zones géographiques
Emetteurs | Emissions mondiales | Evolution 2022-2023 | Observations |
Chine | 31 % | +4 % | reprise économique après les confinements de 2022 |
USA | 14 % | -3 % | poursuite des fermetures de centrales électriques au charbon |
Inde | 8 % | +8,2 % | forte croissance de la demande d’électricité |
Union européenne | 7 % | -7,4 % | augmentation de la capacité des énergies renouvelables, prix élevés de l’énergie, inflation |
Transports aérien et maritime | 2,8 % | 12 % | reprise de l’activité |
Reste du monde | 37 % | -0,4 % | baisse de la consommation de pétrole |
Mais revenons-en aux travaux du GCP. Evaluées à 4,1 GtCO2 pour 2023, les émissions générées par le changement d’usage des terres (déforestation, drainage des zones humides) poursuivent leur baisse amorcée depuis une décennie : -8 % depuis 2013. Durant cette période, les émissions générées par la déforestation agricole (2,9 GtCO2/ an), ont été presque compensées par la repousse des arbres consécutive à la déprise agricole.
Finalement, les émissions anthropiques totales de CO2 devraient atteindre 40,9 GtCO2 en 2023, niveau quasi stable par rapport à 2022 (40,7 GtCO2) et 2019. Sur le moyen terme, la croissance des émissions de CO2 (somme des émissions fossiles et des émissions liées au changement d’usage des sols) s’est considérablement ralentie au cours de la dernière décennie.
Au cours de la période 2013-2022, les émissions ont progressé, en moyenne, de 0,14 % par an. Un rythme très inférieur au taux de croissance moyen observé durant la décennie 2003-2021 (+2,1 %/ an). La faible augmentation actuelle des émissions d’origine fossile est largement compensée par la faible baisse des émissions imputables au changement d’usage des terres.
Pour autant, soulignent les auteurs de l’étude, nous sommes loin des rythmes de décarbonation nécessaires (-4 à -5 %/an) pour stabiliser le réchauffement. Sans une rapide amplification de nos politiques d’atténuation, le seuil de 1,5°C de réchauffement sera atteint dans sept ans.
Les piètres performances des systèmes de captage
Qui capte combien ? A ce petit jeu proposé par le GCP, ce sont les écosystèmes terrestres qui l’emportent largement (12 GtCO2/an), devant l’océan (10 GtCO2/an). A côté, les systèmes artificiels font pâle figure : 49 MtCO2/an pour le captage-stockage (CSC) et une dizaine de millier de tonnes pour le captage direct (DAC) et la valorisation de la biomasse et captage (BECCS).