Adaptation, Atténuation, COP, Initiative

COP 28 : comment les Emirats s’ouvrent les voies du succès

Par Valéry Laramée de Tannenberg

Le pays-hôte du sommet climatique onusien crée un fonds d’investissement, richement doté, dédié à l’atténuation et à l’adaptation des pays n’ayant pas l’oreille des banques. Un projet à vocation économique tout autant que politique. Explications.

C’est du jamais vu dans l’histoire mouvementée des COP. Ce vendredi 1er décembre, les Emirats arabes unis ont décidé que l’argent n’était plus un problème pour lutter contre le changement climatique. Le président des Emirats arabes unis, le sheikh Mohamed ben Zayed Al Nahyan, a annoncé la création d’un fonds d’investissement dédié au financement de l’adaptation et de l’atténuation des pays émergents, les moins avancés (PMA) et des Etats insulaires, réunis au sein de l’AOSIS.

27,5 milliards d’euros

Baptisé Alterra, ce véhicule financier sera doté, dans un premier temps, de 30 milliards de dollars (27,5 milliards d’euros). Il sera géré par Lunate Capital. Récemment créé par des membres de la famille princière émiratie, ce fonds d’investissement est déjà doté de 50 milliards de dollars (47,4 Md€). Alterra agira, en partenariat avec des poids lourds mondiaux de la gestion d’actifs : TPG, BlackRock et Brookfield Asset Management. Ces derniers mois, ces trois partenaires ont, eux aussi, constitué des fonds dédiés au climat : 15 Md$ pour Brookfield, 7,3 Md$ pour TPG et 4 milliards pour BlackRock.

Selon un communiqué, le gouvernement émirati espère pouvoir attirer jusqu’à 250 milliards de dollars (229 Md€) d’argent privé d’ici à 2030. En attendant, 15 % du montant initial sont destinés à co-financer des projets d’adaptation dans des pays qui peinent à accéder aux financements privés : les PMA et les membres de l’AOSIS, notamment.

Investir en Inde et en Afrique

Les 85 % restants ne semblent pas encore fléchés. Pour autant, Alterra et ses partenaires visent des projets énergétiques « à grand impact ». Parmi ceux-ci : le développement de 6 GW de capacité de production d’énergie « propre » en Inde. Dans le lot : 1,2 GW d’éolien et de solaire, dont les premiers MWh sont attendus dès … 2025. Ce ne sera pas tout.

Le 5 septembre dernier, lors du sommet africain sur le climat de Nairobi, Sultan Al-Jaber a annoncé la construction d’un partenariat émirati-africain. Objectif : financer la construction de 15 GW de capacité de production d’énergies renouvelables sur le continent d’ici à 2030. Selon le président de la COP 28, les Emirats arabes unis pourraient à financer le tiers du montant total de l’investissement, soit 4,5 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros).

Inédite, l’annonce émiratie est un formidable coup politique. Elle met en lumière l’absence de volonté des pays du nord (responsables du réchauffement actuel) de financer la transition des pays qui souffrent le plus des effets du réchauffement. Le 30 novembre, un groupe de pays parmi les plus riches de la planète a peiné à réunir 400 M€ pour abonder la nouvelle facilité dédiée aux pertes et préjudice. D’un seul coup, le pays hôte de la COP met … 68 fois plus sur la table !

S’il permettra, peut-être, d’accélérer à terme, la décarbonation de pays du « Sud Global », Alterra jouera, dans l’immédiat, un rôle éminemment politique. Sauf retournement de situation, il n’est plus imaginable que les principaux groupes de pays participant à la COP (le Groupe Afrique, le Groupe du G77) ou l’Inde ne s’associent pas à un projet de décision finale concocté par la présidence de la COP 28.

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À propos de l'auteur


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Valéry Laramée de Tannenberg

Rédacteur en chef de L'Usine à Ges, Valéry commente les COP depuis 1997. Il a "climatisé" les journaux qui l’ont vu passer : Jeune Afrique, Environnement Magazine, Enerpresse, Journal de l’Environnement. Il est l’auteur de 4 ouvrages sur le climat. Dernier paru : Agir pour le climat, entre éthique et profit (Buchet-Chastel).