Le sommet climatique de Bakou s’est achevé, aux premières heures du 24 novembre, avec l’adoption de quelques décisions. Les principales portent sur l’encadrement des marchés internationaux du carbone et sur l’adoption d’un objectif de financement de l’adaptation et de l’atténuation des pays en développement.
Avant même son ouverture, les négociateurs appréhendaient l’issue de la COP 29. La qualité de producteur d’hydrocarbures du pays hôte du sommet climatique onusien n’était pas en cause : douze des vingt neuf conférences des parties ont été organisées par des pays producteurs d’énergies fossiles. Les chancelleries craignaient que les tensions géopolitiques alimentent quelques dérapages peu diplomatiques. Cela n’a pas manqué.
Au deuxième jour de la COP 29, le président Ilham Aliev s’emportait contre les pays occidentaux, qualifiés d’hypocrites. Un traitement particulier fut réservé à la France présentée comme une puissance criminelle et coloniale. Plus grave pour le climat, l’administration azérie n’est pas connue pour son tropisme environnemental. « Bakou a de bons diplomates qui ignorent tout du climat et de ses enjeux », résume l’un des architectes de l’accord de Paris. L’atterrissage en douceur de la conférence semblait peu probable. Promesse tenue !
300 ou 1 300 milliards par an ?
Si l’on se concentre sur ses principaux enjeux, il ne s’est (pratiquement) rien passé entre le premier et le dernier jour. À une exception près ! Le 11 novembre, la COP a adopté les règles encadrant la mise en œuvre du quatrième paragraphe de l’article 6 de l’accord de Paris. En quelques lignes, ce texte annonce la création d’un mécanisme de flexibilité[1] grâce auquel les pays les plus développés pourront investir dans des projets bas carbone dans des nations plus modestes. Ces projets génèreront des crédits carbone qui permettront aux pays financeurs d’alléger, artificiellement, leur bilan carbone. La Suisse et la Norvège, par exemple, misent beaucoup sur ce dispositif pour réduire de moitié leurs émissions entre 1990 et 2030.
Il aura fallu attendre la nuit du 23 au 24 novembre pour obtenir de nouveaux résultats tangibles. La présidence azérie avait fait d’un accord sur le Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NOCQ ou NCQG en anglais). Imaginé lors de la COP 21 du Bourget, en 2015, le NOCQ est le montant annuel d’aides que les pays riches devront verser annuellement aux nations en développement après 2025. À ce stade, les besoins deviennent nettement conséquents. À Glasgow, le groupe des pays africains les évaluaient à 1 300 milliards de dollars par an[2] : treize fois plus que ce que les états les plus industrialisés ont promis d’allouer chaque année entre 2020 et 2025. Après moult négociations, les négociateurs se sont accordés sur un objectif de 300 milliards de dollars par an en 2035.
Où ira l’argent ?
Cette manne devra, principalement, être allouée par les Etats les plus développés, mais aussi par les banques multilatérales de développement, la finance privée et des « sources alternatives », comme les revenus des enchères des quotas d’émission. La décision appelle aussi, et c’est une première, « tous les acteurs à travailler ensemble pour permettre l’augmentation du financement des pays en développement Parties à la Convention en faveur de l’action climatique, provenant de toutes les sources publiques et privées, jusqu’à au moins 1 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035. »
Ce paragraphe fera l’objet, à n’en point douter, de nombreuses interprétations. Notamment sur la façon d’atteindre cet objectif des 1 300 milliards. À noter que les pays en développement sont « encouragés » à contribuer, sur la base du volontariat. Inédit, cet appel s’adresse aux pays émergents qui n’ont pas trop de soucis financiers : Chine (premier émetteur mondial de gaz à effet de serre !), Corée du Sud, Singapour, certains pays du Golfe arabo-persique, comme les Emirats arabes unis.
Lignes de crête
Cette décision n’a pas fait l’unanimité. Son acceptation par la COP a été accompagnée de nombreuses protestations. Clamant que le document n’est qu’« une illusion d’optique », la déléguée indienne, Chandni Raina, a tenté de s’opposer à son adoption. Non sans arrière pensée. New Delhi a toujours combattu l’idée de devoir participer financièrement à l’atténuation ou à l’adaptation d’autres pays du Sud. Samedi 23 novembre, les diplomates des petits pays iliens (groupe de l’AOSIS) ont quitté une salle de négociation pour protester contre les montant trop faibles, à leurs yeux, du projet de décision. Leur mauvaise humeur était surtout alimentée par l’absence de sous-objectif dédié aux pays les plus vulnérables et à l’adaptation.
Bon accord ou mauvais accord, finalement ? Tout dépend du point de vue. « Les négociateurs étaient sur deux lignes de crête. C’est ce qui reflète le chiffrage des 300 milliards. D’un côté, on a ce qui était politiquement réaliste d’atteindre comme promesse des pays développés, qui sont, eux-mêmes, embourbés dans leur problème de dette ; de l’autre, les besoins immenses d’investissement des pays en développement pour s’adapter au changement climatique et pour assurer leur développement durable », résume Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
L’agenda de la présidence de la COP 29 prévoyait de régler bien d’autres problèmes que le NCQG et les marchés internationaux du carbone. À commencer l’encadrement des échanges interétatiques de crédits carbone générés par le Mocap. Objectif atteint dans les dernières heures du 23 novembre, avec l’adoption des règles encadrant la mise en œuvre de l’article 6.2 de l’accord de Paris.
En revanche, les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur les suites à donner au Bilan global (Global Stocktake), présenté en amont de la COP 28, et notamment la sortie de la dépendance aux énergies fossiles. « On ne trouve aucun texte sur l’atténuation », regrette la ministre française de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Ni sur l’adaptation d’ailleurs. Pas de trace non plus du programme de travail sur la transition juste. La suite du dialogue des émirats arabes unis — qui pourrait obliger les pays à indiquer leur trajectoire de sorties des énergies fossiles — a été reportée à la session du printemps 2025 des négociations.
[1] Le mécanisme d’octroi de crédit de l’accord de Paris (Paris Agreement Crediting Mechanism PACM, ou Mocap en français).
[2] À titre de comparaison, les énergéticiens vont investir 3 000 milliards de dollars, cette année, selon les estimations du PNUE.