Adaptation, Atténuation, COP

Dramatique bilan annuel du climat

Par Valéry Laramée de Tannenberg

En ouverture de la COP 28, l’organisation météorologique mondiale (OMM) publie son état annuel du climat mondial. Des statistiques qui font froid dans le dos.  

Il fait chaud à Dubaï (même dans la salle de presse !) et chaud dans le monde. Alors que les (presque) 100 000 personnes accréditées à la COP 28 commencent à affluer au centre des expositions de la capitale des Emirats, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publie, ce jeudi 30 novembre, son état annuel du climat. Sans surprise, les nouvelles sont mauvaises. A moins d’un rafraichissement sévère, le monde est bien parti pour battre le record de l’année la plus chaude jamais enregistrée.

En 2023, la température moyenne globale (au-dessus des terres et des mers, lissée sur l’année) devrait être supérieure de + 1,4 °C, par rapport à la période de référence (1850-1900). Les dix dernières années avaient pourtant collectionné les poussées inédites de thermomètre. 2024 pourrait mieux faire encore : les années où le phénomène El Niño atteint son apogée (ce sera le cas l’an prochain) connaissent généralement un pic de chaleur.

Progression des concentrations de Ges
En 2022, dernière année de statistiques complètes, les concentrations en gaz carbonique, méthane et protoxyde d’azote ont, respectivement, atteint 418 parties par million (ppm), 1923 parties par milliards (ppb) et 336 ppb. Elles ont donc progressé de 150 %, 266 % et 124 % par rapport au milieu du XVIIIe siècle. Le réchauffement n’est pas près de mollir.

Evolution du rythme de montée du niveau de la mer

Ce sera dur à terre, mais aussi (surtout ?) en mer. L’océan absorbe 90 % de la chaleur de l’air et le quart du gaz carbonique que nous émettons. Nos émissions contribuent donc à réchauffer et à acidifier toutes les couches de la colonne d’eau. Un océan qui s’échauffe est un océan qui se dilate. Ces dernières années, la montée du niveau de la mer s’est accélérée, nous disent les satellites d’observation. Entre janvier 2013 et décembre 2022, le niveau moyen de la mer a monté de près de 5 mm/an. A comparer aux 3,3 mm d’élévation moyenne annuelle observée durant la première décennie du siècle : +42 %.

Chaleur et acidification

Toujours plus de calories, c’est l’assurance de voir se développer les vagues de chaleur sous-marines. Celles-ci n’ont pas manqué. Elles sont devenues de plus en plus fréquentes et de plus en plus longues depuis le début du millénaire, souligne l’institution onusienne. Ce qui contribuera, mais l’OMM ne le précise pas, à affaiblir un peu plus les récifs coralliens, paradis de la biodiversité marine. Et pilier essentiel de l’apport de protéines à des centaines de millions de terriens.

Une atmosphère plus carbonée, c’est un océan plus riche en acide carbonique. Mare Nostrum poursuit sa descente aux enfers acides. Entre 1990 et 2020, le pH moyen est passé de 8,1 à 8,05. Ce qui ne favorisera pas la vie des espèces et des organismes qui ont besoin de mobiliser des carbonates pour constituer leur coquille, leur carapace ou leur squelette. Là encore, la biodiversité marine souffre.

La cryosphère n’est pas logée à meilleure enseigne. A la fin de l’hiver austral, l’étendue maximale de la banquise antarctique était la plus faible jamais enregistrée : un million de km2 (plus que la superficie de la France et de l’Allemagne réunies) de moins que le plus bas niveau précédemment constaté. Les glaciers d’Amérique du Nord et d’Europe ont à nouveau connu une saison de fonte extrême. A la fin de l’été boréal, la banquise arctique s’étendait sur 4,2 millions de km2 le 19 septembre dernier : l’une de ses plus petites surfaces jamais mesurée. En février, les glaces de mer antarctiques ont manqué de battre leur record de petitesse, toujours détenu par 2022.

Les glaces terrestres fondent aussi de plus en plus vite. Entre 1992 et 1996, les glaciers du Groenland, de l’Arctique et de l’Antarctique perdaient, en moyenne, 105 milliards de tonnes de glace par an. Ce chiffre est passé à 372 milliards de tonnes par an entre 2016 et 2020. Ce qui explique aussi (en plus de la dilatation de l’eau de mer) l’accélération de la montée du niveau des océans.

Alimentation et migration

Cette année a aussi été marquée par une avalanche d’événements climatiques extrêmes : cyclones (dont le dévastateur Medicane Daniel qui a ravagé la Libye en septembre dernier), pluies torrentielles (Grèce, Bulgarie, Turquie, Espagne, Corne de l’Afrique), vagues de chaleur (sud de l’Europe, Afrique du Nord, Canada, Pacifique central), sécheresses (péninsule ibérique, Asie centrale et du sud-ouest, Amérique centrale, USA, Corne de l’Afrique). Autant de catastrophes qui ont fragilisé l’agriculture et l’économie mondiales.

Cette année, l’ONU estime à 345 millions de terriens pour lesquels l’accès à l’alimentation n’est pas garanti : c’est plus de deux fois plus que lors de la sortie de la pandémie de Covid-19. Dans les pays en développement, plus de 80 % des pertes et dommages imputablesaux effets, directs ou indirects, des changements climatiques touchent le secteur agricole. Cette année, le couplage inondations et passage du cyclone Freddy a ravagé les systèmes agricoles de Madagascar, du Mozambique, du Malawi et du Zimbabwe.  

Ces dévastations contribuent aussi au déclenchement d’épidémies de maladies vectorielles (malaria, dengue ou choléra) ainsi qu’à de nombreux déplacements de populations.

« Il ne s’agit pas seulement de statistiques. Nous risquons de ne réussir ni à sauver nos glaciers ni à juguler l’élévation du niveau de la mer. Nous ne pouvons pas revenir au climat du XXe siècle, mais nous devons agir maintenant pour réduire les risques que le climat devienne de plus en plus inhospitalier au cours du présent siècle et des siècles à venir », souligne Petteri Taalas, le secrétaire général de l’OMM. «Les conditions météorologiques extrêmes détruisent quotidiennement des vies et des moyens de subsistance. Il est donc impératif de veiller à ce que chaque personne sur Terre soit protégée par des services d’alerte précoce », poursuit-il. Des systèmes dont il sera, précisément question lors de la COP 28.

Envoyé spécial à Dubaï

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À propos de l'auteur


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Valéry Laramée de Tannenberg

Rédacteur en chef de L'Usine à Ges, Valéry commente les COP depuis 1997. Il a "climatisé" les journaux qui l’ont vu passer : Jeune Afrique, Environnement Magazine, Enerpresse, Journal de l’Environnement. Il est l’auteur de 4 ouvrages sur le climat. Dernier paru : Agir pour le climat, entre éthique et profit (Buchet-Chastel).