Adaptation, Atténuation, COP

Hajar Al-Beltaji : la bâtisseuse

Par Valéry Laramée de Tannenberg

Depuis la COP 27, la vie millimétrée de cette Égyptienne a basculé dans l’activisme pro-climat. De quoi nourrir de nouveaux rêves.

Hajar Al-Beltaji est une urbaine. Ingénieure, architecte et enseignante-chercheuse, la trentenaire se projette dans un futur où les transports seraient doux, la ville réconciliée avec le végétal et l’humain avec son environnement. Pourtant, c’est à la campagne que cette bouillonnante Égyptienne a découvert les effets du réchauffement. « Mes parents habitent dans le nord de l’Égypte. Tout autour de chez eux, ce sont des champs et au nord se trouve le delta du Nil. Depuis quelques années, les vagues de chaleur se succèdent à un rythme effréné. La terre devient tellement sèche que les semences ne germent plus. » En ville, la situation n’est guère plus favorable. « Au Caire, les fortes chaleurs exacerbent les effets de la pollution de l’air urbain », souligne la mansouriote.

De l’observation à l’action

Le climat ? Hajar n’avait pas le temps d’y penser. Partagée entre ses cours, ses projets de recherche (en anthropologie urbaine, notamment) et son activité d’architecte-urbaniste, sa vie ne laissait guère de place à l’engagement. Jusqu’à Sharm-El-Sheikh. L’an passé, en amont de la COP 27, Hajar Al-Beltaji est intégrée à un groupe d’observateurs des négociations climatiques. « J’ai particulièrement suivi les questions liées aux pertes et dommages, à l’adaptation et à la finance-climat. Cela ressemble à un projet d’architecture : tous ces éléments sont indissociables et indispensables pour bâtir le futur », poursuit-elle.

La quinzaine onusienne passée, l’« archi » ouvre un nouveau chantier. En s’engageant dans Me&Youth. Cette ONG entend lancer une passerelle entre activistes du Nord et du Sud pour faire entendre la voix des jeunes originaires des pays les plus affectés par le réchauffement. Durant les premiers mois de cette année, Hajar participe à l’organisation d’un vaste Climate Camp à Beyrouth (Liban). Ouvert aux jeunes « climateux » du Moyen-Orient, du Machrek et du Maghreb, ce stage leur donne les bases du militant pro-climat.

Allouer l’argent là où il sera le plus utile

A Dubaï, pour son second sommet climatique, la jeune femme reprend les dossiers laissés en suspens en décembre 2022. Et particulièrement celui des pertes et dommages. Si elle se réjouit de l’adoption, dès le premier jour de la COP 28, des règles « d’opérationnabilité » du fonds créé l’an passé, elle s’inquiète de leur mise en œuvre. « Il manque encore quelques petits détails, sourit-elle. L’unité de compte de la dotation ne doit pas être le million mais le milliard de dollars. Le futur conseil d’administration devra comprendre des membres de la société civile des pays frappés par le réchauffement. Enfin, l’allocation de l’argent devra se faire en fonction de la sensibilité climatique. Nous savons bien que, selon la région, le type d’urbanisme, l’environnement, les effets du réchauffement ne sont pas les mêmes partout. »

 L’universitaire voudrait surtout que « facilité », comme on dit en jargon onusien, ne soit pas qu’une banque du climat. En réduisant les souffrances des damnés du climat, « nous pouvons considérer ce fonds comme un moyen d’éviter les guerres. » Vivement que ce fonds entre en action !

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À propos de l'auteur


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Valéry Laramée de Tannenberg

Rédacteur en chef de L'Usine à Ges, Valéry commente les COP depuis 1997. Il a "climatisé" les journaux qui l’ont vu passer : Jeune Afrique, Environnement Magazine, Enerpresse, Journal de l’Environnement. Il est l’auteur de 4 ouvrages sur le climat. Dernier paru : Agir pour le climat, entre éthique et profit (Buchet-Chastel).