Pour faciliter l’atteinte de ses objectifs climatiques à 2030, Tokyo intègre à son inventaire d’émission de Ges les puits de carbone marins : une première mondiale.
C’est une première mondiale passée totalement inaperçue à la COP 28. Samedi 9 décembre, le ministre de l’environnement du Japon a annoncé un changement de pratique dans sa méthode d’inventaire des émissions de gaz à effet de serre (Ges). Jusqu’à présent, Tokyo adoptait, comme tout le monde, les pratiques promulguées par le Giec.
Edictées en 2006, avant d’être révisées, en 2019, elles prévoient d’évaluer les émissions sectorielles, les rejets des principaux Ges (CO2, méthane, N2O, HFC, PF6, etc.). On soustrait ensuite de ces émissions, les flux de Ges captés et stockés par certains écosystèmes : les puits de carbone.
Dans sa dernière mouture, publiée en avril dernier, le gouvernement nippon évalue à 1,1 milliard de tonnes équivalent CO2 (Mdtéq.CO2) les émissions de Ges pour 2021. Des rejets en baisse régulière. Entre 2013 et 2021, l’empire du soleil levant a vu sa contribution au renforcement de l’effet de serre diminuer de 17 %[1]. En 2021, les puits de carbone (forêts, prairies) ont absorbé 52 Mt de CO2 : un chiffre en baisse de 19 % depuis 1990.
Comme nombre de pays industrialisés, le Japon a prévu de sensiblement réduire ses émissions de Ges dans les prochaines années. Son objectif est de baisser de 46 % ses émissions de Ges entre 2013 et 2030. Ambitieux, ce but ne sera, peut-être, pas atteint par les seules opérations d’atténuation. D’où l’intérêt d’augmenter la part prise par les puits de carbone.
Pas question de modifier la méthode de calcul des flux de Ges stockés par les plantes. Il suffit d’ajouter de nouveaux puits à l’inventaire. Ils seront marins et sous-marins. Au cours de son déplacement à Dubaï, le ministre Shintaro Ito a confirmé que le prochain inventaire d’émission japonais (qui sera publié en 2024) prendra en compte le carbone stocké par les herbiers sous-marins et les mangroves. « Il s’agit effectivement d’une première mondiale. Le Japon va intégrer à son inventaire le carbone des écosystèmes côtiers (mangroves, herbiers) », confirme Etienne Mathias.
Tokyo n’a pas créé de méthode de comptabilité spécifique. Le Giec a publié une méthodologie d’évaluation des flux de carbone des écosystèmes marins en 2013. « Dans les tables de rapportages pour la Convention climat ce n’était pas clairement indiqué auparavant mais désormais nous avons bien une ligne nommée “4.D.1.c.i. Coastal wetlands“ dans laquelle on peut rapporter des flux de Blue Carbon », précise le chef du département AFOLU au Citepa.
Cela concerne-t-il des flux importants ? Peu probable. Mais les avis des scientifiques restent partagés. Dans son 6e rapport d’évaluation, le Giec évalue entre 500 et 2 100 millions de tonnes de CO2/an les flux mondiaux captés par les écosystèmes marins. L’océanologue français Jean-Pierre Gattuso (CNRS) les estime à moins de 900 Mt/an. Pour le Japon, ce sera encore beaucoup moins.
[1] Mais de 8,2 % par rapport à 1990, année de référence.