La chasse au charbon, pétrole et gaz était ouverte, ces deux derniers jours. Avec de l’indécision, de la communication et du Greenwashing.
La température monte à la COP 28. Et pas seulement sous la tente géante qui abrite le centre des médias. Dans les brumes de la matinée de vendredi 1er décembre, l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (OSCT ou SBSTA en anglais, l’un des organes permanents de la Convention) a mis en ligne un projet de décision portant sur les énergies … fossiles. Ce projet de texte est une première réponse concrète au Bilan global des politiques climatiques des États, publié le 8 septembre dernier par l’ONU.
Long d’une douzaine de pages, ce draft rappelle que le niveau actuel d’émission de gaz à effet de serre (Ges) nous promet une montée de la température globale comprise entre +2,5 et +2,9 °C d’ici la fin du siècle. Et que la stabilisation du réchauffement à +1,5 °C implique, pour commencer, d’abattre de 43 % nos rejets carbonés entre 2019 et 2030.
Engagements flous
Pour éviter d’en arriver là, les rédacteurs proposent de développer massivement la production d’énergie propre (pas de jaloux entre renouvelables et nucléaire !), l’efficacité énergétique, ce qui « inclue l’accélération des efforts en faveur de la diminution des centrales au charbon non équipées de système de captage de CO2 et l’arrêt des subventions inefficaces aux énergies fossiles ». A l’évidence, les experts du SBSTA marchent sur des œufs.
Car, lorsqu’il s’agit de préciser leurs propos, ils bottent en touche. Pour le secteur énergétique, les gouvernements devront faire leur choix entre : la diminution ou la sortie des énergies fossiles ou du charbon seul. Selon la case qui sera cochée, le bilan carbone mondial ne sera pas le même.
Pour les subventions, le texte évoque un « élimination progressive des subventions aux combustibles fossiles, en tenant compte de la nécessité d’une transition juste et équitable. » En gros, pas trop vite, pas trop fort.
La note évoque aussi la nécessité de s’intéresser à la gestion du carbone, ce qui peut se traduire par un développement des systèmes d’extraction du CO2 de l’air, naturels (les arbres, l’océan) ou artificiels.
N’oublions pas la finance climat
Pour décarboner les transports, on insiste sur la nécessité de fixer des échéances à la décarbonation des véhicules routiers, le fret maritime et le transport aérien. Même condition pour abattre efficacement les émissions méthaniques.
La réponse au Bilan global ne devrait pas oublier la finance climat. La note rappelle, à bon escient, que la mise en œuvre effective des politiques nationales des pays en développement, telles qu’elles sont définies dans les NDC, coûtera au bas près de 6 000 milliards de dollars d’ici à 2030. Moins du tiers sont effectivement financés.
Les pays les plus riches sont, bien sûr, invités à abonder les nombreux fonds dédiés à l’atténuation (Fonds vert pour le climat) et à l’adaptation (fonds pour les PMA, fonds spécial pour le climat, fonds pour l’adaptation, fonds pour les pertes et dommages), mais surtout à adapter « le monde de la finance ». L’objectif étant d’allouer de 215 à 387 milliards de dollars par an aux projets d’adaptation, toujours d’ici à 2030.
Taux d’intérêt progressif
Si elles accueillent plutôt bien, les organisations environnementales ne sont pas dupes. « C’est très bien de vouloir développer les énergies bas carbone et l’efficacité énergétique. Mais tant qu’il n’y a pas d’objectif chiffré de baisse des consommations d’énergies fossiles, cela ne sera d’aucune utilité pour le climat », résume Alden Meyer, consultant auprès du think tank E3G. L’environnementaliste a presque été entendu.
Le samedi 2 décembre, le président Emmanuel Macron a lancé une initiative en défaveur du charbon. Baptisée Coal Transition Accelerator, elle prévoit de décourager le secteur privé de financer la construction de centrales à charbon. Le principe est simple : instaurer des taux d’intérêt progressifs selon l’intensité carbone du projet. Plus la centrale émettrait de gaz à effet de serre, plus son financement serait coûteux et sa rentabilité faible. « Il y a 500 GW de projets dans le monde, les financer c’est renoncer totalement à stabiliser le réchauffement à 1,5 °C », justifie le président de la République. Reste à savoir comment imposer au système financier mondial ces taux d’intérêt indexé sur l’intensité carbone. Les premières pistes pourraient être présentées lors de la COP 30, en 2025.
Pendant que le président français dissertait sur le financement du charbon, les États-Unis, suivis par la République Tchèque, de Chypre, de la République Dominicaine, de l’Islande, du Kosovo et de la Norvège rejoignaient la Powering Past Coal Alliance. Cette coalition d’États milite pour l’arrêt des centrales au charbon non équipées de système de captage de CO2 (unabated). A noter que la Norvège ne possède pas de centrale au charbon, exporte 3 millions de tonnes de charbon par an et maîtrise parfaitement la technologie du CSC.
La charte des pétrogaziers
Et puisque nous sommes dans les annonces, restons-y. Au moment où s’ouvrait la chasse au charbon, cinquante compagnies pétrogazières signaient une charte de décarbonation des industries du pétrole et du gaz (OGDC). Les signataires, parmi lesquels on trouve Aramco, TotalEnergies, Adnoc (la compagnie présidée par le président de la COP 28), ExxonMobil, BP, Oxy, Shell, Equinor, s’engagent à atteindre la neutralité carbone, pour leurs émissions (scopes 1 & 2) en 2050 et à réduire à néant leurs émissions fugitives de méthane d’ici à 2030[1]. Ensemble, ces entreprises, publiques et privées, produisent 40 % du pétrole mondial.
Chatoyante, cette OGDC est pourtant pleine de trous. Beaucoup de grands pétroliers n’y adhèrent pas, à l’instar de Chevron, ConocoPhilips, Suncor, ainsi que les compagnies nationale d’Iran, du Koweit, du Qatar, d’Irak. Sans oublier les trois principaux groupes chinois : Sinopec, CNOOC et PetroChina.
Les engagements pris ne portent que sur 10 à 15 % des émissions imputables à la combustion du pétrole et du gaz : les émissions internes des entreprises. L’objectif principal est à long terme. Pour que l’industrie pétrolière ne sortent pas des scenarii « net zéro » de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), elle doit abattre ses rejets carbonés de 60 % d’ici à 2030. Last but not least, la Charte ne prévoit en aucun cas de réduire la production d’huile ou de gaz. Or, celle-ci n’est pas sur le point de diminuer. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) prévoit que la production mondiale de brut atteigne 105 millions de barils par jour en 2025 : 10 % de mieux qu’en 2021. Vous reprendrez bien une once de Greenwashing ?
Envoyé spécial à Dubaï
[1] Selon l’AIE, la valorisation énergétique des fuites connues de méthane de l’industrie pétrogazière permettrait