Sept diplomates du climat commentent le second retrait américain de l’accord de Paris.
C’est grave, mais cela ne doit pas nous arrêter. Telle pourrait être la synthèse des réactions de vieux routiers de la négociation internationale, interrogés par L’Usine à Ges. « Le décret de Trump visant à retirer les États-Unis de l’Accord de Paris – encore une fois – n’était pas une surprise, mais reste une mauvaise nouvelle. Il aurait été préférable que les États-Unis restent un participant actif dans la lutte mondiale contre le changement climatique », indique Paul Watkinson.
Et l’ancien négociateur en chef de l’équipe de France de la COP 21 de rappeler que la décision de Donald Trump contribuera à augmenter les « émissions de gaz à effet de serre et à réduire les financements promis aux pays les plus vulnérables. »
L’avenir appartient à 194 pays
Pour autant, l’ancien conseiller des organisateurs de la COP 28 ne veut pas exagérer l’importance du second retrait américain. « Oui, les états sont la plus grande économie du monde, le deuxième plus grand émetteur de gaz à effet de serre et le plus grand émetteur historique. Pour autant, ses émissions représentent aujourd’hui moins de 14 % des émissions mondiales et le financement climatique américain a toujours été beaucoup plus faible en termes de PIB que le soutien fourni par les pays européens et d’autres. Ainsi, ce qui se passera ensuite ne devrait pas dépendre des États-Unis, mais de ce que les 194 autres parties à l’accord de Paris décideront de faire. »
Business as usual aux USA
Autre réaction, celle de Jonathan Pershing, l’un des rares négociateurs US à n’avoir jamais raté une COP climat. L’ancien envoyé spécial adjoint du président Biden pour le climat rappelle que l’action climatique domestique ne s’arrêtera pas, malgré la décision de Trump. « De nombreux acteurs du monde des affaires, des gouvernements des États fédérés et des collectivités locales, de la société civile et du secteur philanthropique restent engagés en faveur d’un avenir propre et prospère pour tous.Grâce à la collaboration, au dialogue et à la recherche d’un terrain d’entente, nous garantirons des solutions climatiques durables qui favoriseront la croissance économique, renforceront les communautés et construiront un avenir plus durable. » Un avis partagé par Gina McCarthy, ancienne conseillère climat de Joe Biden et ex-patronne de l’US EPA.
Un leadership européen ?
Quelles conséquences géopolitiques ? Ancienne ambassadrice du climat de France, Laurence Tubiana annonce un renforcement que devront interpréter les pays européens. « L’Europe – aux côtés d’autres partenaires – a désormais la responsabilité et l’opportunité de prendre les devants et de montrer l’exemple. En avançant vers une transition juste et équilibrée, elle peut montrer qu’une action climatique ambitieuse protège les populations, renforce les économies et renforce la résilience », estime la patronne de l’European Climate Fondation, groupe de pression pro-climat basé à Bruxelles.
Ex-négociateur pour le Chili, Rémi Parmentier est circonspect quant au leadership européen. « Il semble que l’Union européenne soit beaucoup plus divisée que lors du premier retrait américain », regrette l’ancien dirigeant de Greenpeace international.
Sur X, François Géhenne rappelle que seule l’UE n’ira pas loin. « L’Europe doit maintenant trouver des alliances avec l’Inde et la Chine pour relancer la coopération internationale », propose l’ancien négociateur belge.
Négociateur principal des pays d’Afrique, l’ambassadeur Ali Mohamed délivre un message universel. « L’Afrique offre la meilleure opportunité de contribuer aux efforts mondiaux de décarbonation en exploitant son énorme potentiel en matière d’élimination du carbone, d’énergies renouvelables, de minéraux essentiels et de terres agricoles. Ce dont le continent a besoin, ce sont des investissements adéquats et un accès adéquat à des capitaux et à des marchés abordables », souligne le diplomate kenyan. Dit autrement, pas d’argent pour notre adaptation, pas de puits de carbone ni de matériaux rares pour décarboner votre économie.