Adaptation, Atténuation, COP, Initiative, Politique

Une COP qui démarre tambour battant

Par Valéry Laramée de Tannenberg

Malgré des révélations sur les objectifs commerciaux d’officiels émiratis, le président de la COP 28 a présenté les objectifs de la quinzaine. Au menu, des décisions à mettre en œuvre, de l’argent à débloquer (réellement), des gros émetteurs à mettre à contribution. Et si Dubaï était une COP de l’ambition ?

Le sommet climatique onusien aurait pu mal commencer. Le 27 novembre, les journalistes du Center for Climate Reporting révélaient que les officiels émiratis comptaient profiter de la tenue de la COP 28 à Dubaï pour négocier des accords sur la fourniture d’hydrocarbures et d’énergies renouvelables avec une douzaine de pays, dont la France.

L’équipe de négociateurs des Émirats n’a pas nié que des rencontres à vocation commerciale puissent être organisées pendant la quinzaine. « Les réunions privées sont privées », a-t-elle conclu. De quoi donner du crédit aux détracteurs de la présidence émiratie, jugée trop proche des milieux pétrogaziers. Après tout, le président de la COP 28, Sultan Al-Jaber, ne préside-t-il pas aussi aux destinées d’Adnoc, le producteur national d’hydrocarbures ?

Petit marteau

Après avoir reçu des mains de son prédécesseur, Sameh Shoukry, le petit marteau sceptre des présidents de COP, Sultan Al-Jaber a prononcé un discours offensif et optimiste. Une adresse à la nation mondiale pleine de promesses et d’engagements.

Aux chefs d’Etats et de gouvernements, le ministre de l’industrie des Emirats enjoint de bâtir des contributions nationales volontaires (NDC) qui soient basées sur le Global Stocktake, publié par l’ONU à la fin de l’été. Traduction : vous devez désormais viser la neutralité carbone et la stabilisation du réchauffement à + 1,5 °C. Applaudissements nourris.

Des négociateurs, le président de Masdar exige qu’ils se montrent souples, imaginatifs et qu’ils adoptent rapidement l’agenda de la COP (sans lequel aucune décision n’aura force de loi)[1] et les textes qui leur seront soumis. « Il est essentiel qu’aucun problème ne soit glissé sous la table », a-t-il poursuivi.

Comme chaque année, la COP devra être inclusive. Mais Sultan Al Jaber a sa propre définition de l’inclusivité. « Il faudra évoquer le rôle des combustibles fossiles. Nous devons faire quelque chose d’inédit », lâche-t-il. 

Grands effets

Al-Jaber prévoit que les compagnies pétrogazières (sans précision) s’engagent à réduire à néant leurs émissions fugitives de méthane d’ici à 2030. Ce n’est pas nul. Les compagnies pétrolières nationales (qui détiennent 90 % des réserves mondiales d’hydrocarbures) pourraient aussi s’engager à la neutralité carbone d’ici à 2050. C’est plus lourd, si l’on passe de la promesse aux actes.

D’autres grands émetteurs (cimentiers, fondeurs d’aluminium, par exemple) pourraient aussi amorcer leur décarbonation, en utilisant toutes les solutions à leur disposition. Ce qui, dans l’esprit d’un patron d’une compagnie pétrogazière, pourrait se traduire par capture du carbone.

Autre chapitre : les finances. Cette fois, pas d’inédit. L’ancien patron des négociateurs émiratis entend que les pas occidentaux respectent leur promesse faite en 2009 : délivrer 600 milliards de dollars aux pays les plus vulnérables entre 2020 et 2025. Le boss de la COP veut aussi que le parlement du climat adopte définitivement le pré-accord, conclu il y trois semaines, sur le fonds dédiés aux pertes et dommages[2].

Sans surprise, Sultan Al-Jaber officialise des objectifs d’atténuation qu’il ressasse depuis des mois : doubler la capacité mondiale de production d’électricité d’origine renouvelable et doubler l’intensité énergétique d’ici à 2030. Plus flou : le charbon ne devra plus être brûlé que dans des installations dotées de systèmes de captage de CO: le fameux unabatted coal.

La COP ne fait que commencer. Elle commence tambour battant.

Envoyé spécial à Dubaï


[1] L’agenda sera adopté par la COP dans la foulée du discours de son président.

[2] La décision sera adoptée dans l’après-midi, chose rare pour une première journée.

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Valéry Laramée de Tannenberg

Rédacteur en chef de L'Usine à Ges, Valéry commente les COP depuis 1997. Il a "climatisé" les journaux qui l’ont vu passer : Jeune Afrique, Environnement Magazine, Enerpresse, Journal de l’Environnement. Il est l’auteur de 4 ouvrages sur le climat. Dernier paru : Agir pour le climat, entre éthique et profit (Buchet-Chastel).